La scène se déroule hier, dans la cour de notre maison. J'entends ma femme demander au gardien:"Un autre?" Sa voix trahit son excitation. Je comprends immédiatement qu'il s'agit d'un rat. Si la capture se confirme, il s'agira du quatrième en trois jours.
Nous avons en effet découvert qu'une colonie de rats vit entre les murs de notre cour (en Afrique, comme en Europe, la cour est emmurée). Nous venons d'acheter des pigeons à junior, aussi, nous n'avons nulle envie de les rerouver bouffés par les rats. A dire vrai, nous avions peut-être atteint le point de saturation au moment d'en voir un, la nuit, qui grimpait à un arbre, en face de la fenêtre du salon. Nous avons donc confié le problème à notre gardien de nuit (en Afrique, quand on vit selon les normes de la classe moyenne occidentale, il faut impérativement un gardien de nuit). Celui-ci a donc loué un piège, qui consiste essentiellement en une cage faite de treillis métalliques, formant une boîte rectangulaire. La cage est un peu plus longue qu'une boîte à chaussures. La seule ouverture s'obstrue d'une plaque de métal qui tombe en place lorsque le rat touche un appât.
Je me dépêche de sortir, devancé par junior. La bête est là, prise au piège. Nous sommes quatre maintenant à surplomber la cage et à observer cette nouvelle capture. Un rat, comme les autres avant lui, si ce n'est que celui-ci est plus élancé. "Il est plus jeune", fait observer mon épouse. Sa taille indique par contre qu'il s'agit bien d'un adulte. Le rat nous regarde en retour, avec ses yeux noirs, d'insondables minuscules petites billes. Son calme n'est qu'apparent. Il s'élance en un éclair contre le fond de la cage. Bang! Mon épouse et moi sursautons. Instinctivent, je recule la tête. Mon épouse a fait deux pas vers l'arrière. C'est là qu'on devine l'angoisse de l'animal. Ce n'est pas vers la porte qu'il a foncé, mais vers l'autre extrémité de la cage, où le treillis laisse entrevoir la liberté. La bête se retourne ensuite pour chercher une issue ailleurs. Après quelques instants, elle fonce à nouveau vers le fond de la cage. Et bang! C'est comme si le rat alterne entre réflexion et action, entre analyse et panique. Mais jusque là, il n'y avait pas encore urgence pour la victime. Le gardien prend alors un bâton, dont l'extrémité est taillée en pointe, et il l'introduit entre les mailles de la cage. Il attend que l'animal soit bien positionné, puis il tente de le lui enfoncer. Mon épouse somme au gardien de lui laisser le temps de quitter la scène. C'est l'affaire d'une seconde. Puis, le gardien reprend son manège. A chaque fois que le pieux s'abat sur lui, l'animal roule sur lui-même. La parade fonctionne: le bâton a glissé sur son dos. Après quelques tentatives, le gardien change de stratégie. Une fois la bête distraite par le bâton, il ouvre la porte de la cage, saisit la queue de l'animal et le soulève dans les airs. L'homme n'en est pas à sa première capture. L'animal se balance au bout de sa queue pour tenter de reprendre une position moins vulnérable. En vain. Le gardien lève le bâton à la hauteur de l'animal. Le coup devra être franc, précis. Tac! Tac! Tac! Trois coups en pleine tête. L'animal semble bouger encore. Pourtant, le gardien le laisse tomber. L'animal ne fuit pas. Il n'est pris que de quelques derniers soubresauts. Finalement, d'un coup de pied, il envoie la bête voler au pied d'un arbre, où il restera jusqu'au lendemain matin. Le corps de l'animal apportera un peu de viande à la famille du gardien, comme pour les autres spécimens avant lui.
La scène a duré quatre ou cinq minutes, peut-être dix tout au plus. Je n'en ai pas perdu une seconde! L'adrénaline de la bête qui luttait pour sa vie m'habite encore, plusieurs minutes après. Lors des trois premières captures, j'avais à peine osé regarder. Cette fois, je dois l'admettre, j'avais apprécié le spectacle, pris d'une fascination macabre. J'avais même ignoré ma femme qui m'enjoignait de venir observer une planète, visible dans le firmament ce soir-là.
Elle et moi, nous avions déjà discuté de la fascination de l'être humain pour la violence. Celle qu'on retrouve chez les enfants qui font cercle autour de deux camarades qui se battent. Depuis mon arrivée en Afrique, j'avais dit à ma femme à plusieurs occasions comment les films américains me manquaient, moi qui ai toujours préféré le cinéma d'auteur. J'étais tombé il y a quelques jours sur la fin du film Le Prédateur, à la télévision locale. Le film met en vedette Arnold Schwarzeinegger. Voilà qui en dit assez long sur le genre. Pourtant, le film m'avait donné un véritable moment de grâce, au milieu des trop nombreux vidéoclips des vedettes locales et des téléromans indiens et latino-américains mal traduits.
Etait-ce la manifestation d'une dépendance aux scènes de violence? Peut-être que comme dans la Rome ancienne, la pression des inégalités sociales doit trouver un exhutoire dans une mise en scène de la violence. Peut importe la raison. Comme il était bon, pour moi ou un proche, de ne pas partager le sort de cet animal. Comme il était appaisant d'avoir vu la mort de si près et puis, d'aller se coucher en se disant que ce n'était qu'un film, que ce n'était qu'un rat...
lundi 22 février 2010
vendredi 19 février 2010
L'Afrique, un continent propre!
Je sais ne pas être le seul Occidental à avoir redouté les conditions d'hygiène en Afrique. Ces craintes sont fondées quand on parle des rues pleines de détritus, des égoûts à ciel ouvert ou des comptoirs où l'on découpe la viande au milieu des mouches. Cependant, le Burkinabé est, on ne peut plus propre.
En effet, les critères d'hygiène personnelle ici, sont élevés. D'abord, le Burkinabé prend souvent plusieurs douches... par jour. (c'est le cas de mon africaine d'épouse, qui gardait cette habitude même au Québec en plein mois de janvier.) En effet, depuis mon arrivée, j'ai rarement senti l'odeur de la transpiration. Il faut dire que les Africains, pour la plupart, coupent la journée en deux. Ils s'arrêtent à midi pour reprendre à 15h30, pour ensuite terminer à 18h30. On m'a expliqué que plusieurs profitent de la pause pour se doucher et certains vont même jusqu'à changer de vêtements. Effectivement, en début d'après-midi, on peut parfois sentir la fraîche odeur savonneuse de la douche chez certains. J'ai moi-même pris un certain temps à adopter cette pratique, confirmant ainsi l'idée générale ici, que les Blancs n'aiment pas prendre de douche. En fait, j'ai longtemps perçu une douche en mi-journée comme une perte d'efficacité, la répétition d'une activité qui devrait normalement être réservée au lever ou à la fin de la journée. Pour me rendre au travail, je partage presque toujours un taxi avec d'autres passagers qui montent en chemin. Il n'est pas rare d'être quatre sur la banquette arrière! Jusqu'à maintenant, je n'ai pratiquement jamais été incommodé par des odeurs humaines (mais peut-être en ai-je incommodé quelques uns?) Une seule exception digne de mention: celle d'une femme qui portait le voile noire intégrale en pleine saison chaude! Dans les taxis, il faut éviter d'utiliser les ceintures de sécurité. Les taxis roulent toutes fenêtres ouvertes, dans des rues pleines de poussière. Or, personne ne met les ceintures et personne ne les nettoie. Si vous insistez opur en faire usage, vous risquez, comme moi, de vous présenter chez l'employeur de votre femme avec une large bande de crasse en travers de votre chemise, sous les regards ahurris.
Cette tendance à la propreté est confirmée chez le coiffeur. Dans mon cas, pas besoin de ciseaux; la tondeuse suffit. Le coiffeur prend grand soin de laver la lame de la tondeuse à l'eau de javel et de la frotter avec une éponge neuve. Tous les coiffeurs le font. En fait, un coiffeur a pris presque autant de temps à laver ses instruments qu'il en a pris à me faire une coupe de cheveux. (Il est vrai qu'il m'en reste peu.) Certains diront que c'est pour éviter la propagation du SIDA. En fait, les risques de transmission y sont probablement pour quelque chose, mais n'existent-t-ils pas aussi ailleurs?
Mes observations élogieuses ne s'arrêtent pas là. Au sortir de chez soi, la tenue de l'Africain est le plus souvent impeccable. Par exemple, l'homme d'âge moyen porte habituellement une chemise propre et bien repassée (à manches courtes ou longues!) En fait, cela n'a rien d'étonnant quand on pense que l'Afrique est très protocolaire; il faut faire les choses dans les règles! Mais peut-être que l'explication se trouve ailleurs. L'image publique est ici très importante, et on garde jalousement son intimité derrière les murs de sa cour. Pas question de sortir en bermuda, encore moins en short. Fait remarquable: on aime ici que le repassage soit apparent. Ainsi, le blanchisseur plie soigneusement le vêtement avant de le repasser pour y laisser des lignes symmétriques bien visibles. Finalement, on ne saurait donner une description complète de la properté de l'Africain sans parler de ses chaussures. Elles sont le plus souvent noires ou brunes, et cirées à la perfection. On trouve d'ailleurs des cireurs de chaussure un peu partout. Ceux-ci savent faire un travail remarquable en un instant. Le cirage est offert pour 50 ou 100 francs CFA (au plus 25 cents) et offre l'avantage de prolonger considérablement la durée d'une chaussure.
Au restaurant et sur les terrasses, on a trouvé une variante ingénieuse au lavage des mains dans la salle de bain. On vous apporte une bassine qu'on pose par terre avec un morceau de savon à l'intérieur. Le client prend le savon et s'en frotte les mains. Le serveur y verse alors lentement de l'eau à l'aide de ce qui ressemble à un arrosoir pour les plantes. La chaleur de l'Afrique s'occupe ensuite de les sécher. Voilà qui règle le problème de fermer un robinet sale ou de toucher à la poignée de porte en sortant de la salle de bain.
Une exeption notable à cette hygiène exemplaire est celle d'un petit voisin de 5 ans, dans notre quartier. Il est tellement couvert de poussière, qu'il fait penser à un personnage du dessin animé Charlie Brown: celui qui est toujours dessiné au milieu d'un petit nuage de poussière, qui le suit partout. En effet, il lui suffit de toucher à un de nos murs de stuc blanc pour y laisser sa trace. Il faut mentionner que la peinture lavable ne semblait pas exister en Afrique au moment de peindre notre maison. Peut-être aurai-je bientôt trouvé une solution diplomate pour limiter les dommages causés par ce petit bonhomme attachant, sans lui interdire la cour.
Bien sûr, il y a aussi tous ces gens qui vivent dans une pauvreté extrême et qui, soit en raison d'un manque extrême de moyens ou d'une détresse profonde, vivent dans la crasse. Il y a ces enfants qui jouent dans les déchets pour ensuite venir vous serrer la main. Mais le plus remarquable, c'est cette large majorité de gens qui, sans laveuse automatique, dans des logements minuscules, parfois sans électricité et avec une famille nombreuse, réussissent à garder une hygiène personnelle tout à fait exemplaire.
En effet, les critères d'hygiène personnelle ici, sont élevés. D'abord, le Burkinabé prend souvent plusieurs douches... par jour. (c'est le cas de mon africaine d'épouse, qui gardait cette habitude même au Québec en plein mois de janvier.) En effet, depuis mon arrivée, j'ai rarement senti l'odeur de la transpiration. Il faut dire que les Africains, pour la plupart, coupent la journée en deux. Ils s'arrêtent à midi pour reprendre à 15h30, pour ensuite terminer à 18h30. On m'a expliqué que plusieurs profitent de la pause pour se doucher et certains vont même jusqu'à changer de vêtements. Effectivement, en début d'après-midi, on peut parfois sentir la fraîche odeur savonneuse de la douche chez certains. J'ai moi-même pris un certain temps à adopter cette pratique, confirmant ainsi l'idée générale ici, que les Blancs n'aiment pas prendre de douche. En fait, j'ai longtemps perçu une douche en mi-journée comme une perte d'efficacité, la répétition d'une activité qui devrait normalement être réservée au lever ou à la fin de la journée. Pour me rendre au travail, je partage presque toujours un taxi avec d'autres passagers qui montent en chemin. Il n'est pas rare d'être quatre sur la banquette arrière! Jusqu'à maintenant, je n'ai pratiquement jamais été incommodé par des odeurs humaines (mais peut-être en ai-je incommodé quelques uns?) Une seule exception digne de mention: celle d'une femme qui portait le voile noire intégrale en pleine saison chaude! Dans les taxis, il faut éviter d'utiliser les ceintures de sécurité. Les taxis roulent toutes fenêtres ouvertes, dans des rues pleines de poussière. Or, personne ne met les ceintures et personne ne les nettoie. Si vous insistez opur en faire usage, vous risquez, comme moi, de vous présenter chez l'employeur de votre femme avec une large bande de crasse en travers de votre chemise, sous les regards ahurris.
Cette tendance à la propreté est confirmée chez le coiffeur. Dans mon cas, pas besoin de ciseaux; la tondeuse suffit. Le coiffeur prend grand soin de laver la lame de la tondeuse à l'eau de javel et de la frotter avec une éponge neuve. Tous les coiffeurs le font. En fait, un coiffeur a pris presque autant de temps à laver ses instruments qu'il en a pris à me faire une coupe de cheveux. (Il est vrai qu'il m'en reste peu.) Certains diront que c'est pour éviter la propagation du SIDA. En fait, les risques de transmission y sont probablement pour quelque chose, mais n'existent-t-ils pas aussi ailleurs?
Mes observations élogieuses ne s'arrêtent pas là. Au sortir de chez soi, la tenue de l'Africain est le plus souvent impeccable. Par exemple, l'homme d'âge moyen porte habituellement une chemise propre et bien repassée (à manches courtes ou longues!) En fait, cela n'a rien d'étonnant quand on pense que l'Afrique est très protocolaire; il faut faire les choses dans les règles! Mais peut-être que l'explication se trouve ailleurs. L'image publique est ici très importante, et on garde jalousement son intimité derrière les murs de sa cour. Pas question de sortir en bermuda, encore moins en short. Fait remarquable: on aime ici que le repassage soit apparent. Ainsi, le blanchisseur plie soigneusement le vêtement avant de le repasser pour y laisser des lignes symmétriques bien visibles. Finalement, on ne saurait donner une description complète de la properté de l'Africain sans parler de ses chaussures. Elles sont le plus souvent noires ou brunes, et cirées à la perfection. On trouve d'ailleurs des cireurs de chaussure un peu partout. Ceux-ci savent faire un travail remarquable en un instant. Le cirage est offert pour 50 ou 100 francs CFA (au plus 25 cents) et offre l'avantage de prolonger considérablement la durée d'une chaussure.
Au restaurant et sur les terrasses, on a trouvé une variante ingénieuse au lavage des mains dans la salle de bain. On vous apporte une bassine qu'on pose par terre avec un morceau de savon à l'intérieur. Le client prend le savon et s'en frotte les mains. Le serveur y verse alors lentement de l'eau à l'aide de ce qui ressemble à un arrosoir pour les plantes. La chaleur de l'Afrique s'occupe ensuite de les sécher. Voilà qui règle le problème de fermer un robinet sale ou de toucher à la poignée de porte en sortant de la salle de bain.
Une exeption notable à cette hygiène exemplaire est celle d'un petit voisin de 5 ans, dans notre quartier. Il est tellement couvert de poussière, qu'il fait penser à un personnage du dessin animé Charlie Brown: celui qui est toujours dessiné au milieu d'un petit nuage de poussière, qui le suit partout. En effet, il lui suffit de toucher à un de nos murs de stuc blanc pour y laisser sa trace. Il faut mentionner que la peinture lavable ne semblait pas exister en Afrique au moment de peindre notre maison. Peut-être aurai-je bientôt trouvé une solution diplomate pour limiter les dommages causés par ce petit bonhomme attachant, sans lui interdire la cour.
Bien sûr, il y a aussi tous ces gens qui vivent dans une pauvreté extrême et qui, soit en raison d'un manque extrême de moyens ou d'une détresse profonde, vivent dans la crasse. Il y a ces enfants qui jouent dans les déchets pour ensuite venir vous serrer la main. Mais le plus remarquable, c'est cette large majorité de gens qui, sans laveuse automatique, dans des logements minuscules, parfois sans électricité et avec une famille nombreuse, réussissent à garder une hygiène personnelle tout à fait exemplaire.
mardi 16 février 2010
Western en Afrique de l'Ouest

J'ai amené mon lecteurt MP3 avec moi au Burkina Faso. Je dois dire qu'ici, peu de pièces de musique m'ont bouleversé autant en la réécoutant que la trame sonore du film Il était une fois dans l'Ouest. Depuis mon arrivée, la musique de l'ultime classique du western des années soixante me dresse littéralement le poil sur les avant-bras, humides de transpiration. En effet, quand on y pense bien, tout ici rappelle la toile de fond du western.
D'abord, il y a l'environnement physique: le sol poussiéreux, orangé, la sécheresse. Il y a la végétation rare et éparse, l'occasionnel cactus, plutôt planté devant une résidence que poussant de lui-même au gré de la nature. Les maisons rectangulaires sont recouvertes de stuc blanc, craquelé par les années et sali par la poussière. Le terrain est plat. Le ciel est bleu, sans nuages. On ne peut oublier le soleil de plomb, dont on cherche à se protéger toute la journée et que l'on fuit en début d'après-midi. Le riche retourne dans sa villa, le pauvre cherche un arbre ou un auvent. L'étranger à la peau blanche a intérêt à porter un bon chapeau. C'est d'autant plus vrai pour celui, grisonnant, pour qui les cheveux se font plus rares. Les meilleurs chapeaux, ceux à larges rebords, évoqueront l'Américain aux yeux des autochtones.
Et puis, il y a l'environnement social. Ici, pour la plupart de ces gens qui sont parmi les plus pauvres de la terre, la seule sécurité est de s'en remettre à la grâce de Dieu, quel qu'il soit. Pour eux, pas d'évacuation d'urgence ou de centre antipoison. Pourtant, la mort rode. Chaque jour en circulant à Ouaga, on voit une personne gisant par terre suite à un accident de mobylette, de moto ou de vélo. La victime est étendue, immobile, ou elle bouge en grimaçant. La foule l'entoure. Certains s'avancent, en cherchant à donner des soins. Un collègue de ma femme a perdu sa soeur: morsure de serpent. Ici, pas non plus de recours pour ceux qui sont lésés dans leur droit. On évite les tribunaux. C'est un pays dont la foi profonde est souvent la seule loi. La loi de l'Afrique de l'Ouest.
Mais avant tout, il y a les regards. Oh surtout, il y a les regards. Quand vous êtes blanc et que vous vous avancez dans une ruelle qui n'est pas la vôtre, vous les sentez, fixés sur vous. Vous n'êtes JAMAIS incognito. On vous observe à la dérobée, vous l'étranger, le Nassara, celui de l'autre côté du monde. Les regards qui vous cherchent ouvertement, bien rares ceux-là, sont ceux, doux, des jeunes femmes, cherchant un monde de sécurité. Pour elles, le héro existe. Il est là, à portée de ses charmes féminins, peut-être...
Finalement, il y a l'homme, celui des western, un genre cinématographique qui n'existe plus en Occident. Le père de famille est celui qui détient l'autorité. Il est bien vu. Sa force de caractère est une qualité, son âge, un gage de respect.
Dans un monde pareil, on peut encore rêver d'un homme seul, dur, mais au coeur bon, un homme au sens moral inflexible, armé d'un six-coups ou de tout autre substitut du pouvoir, qui pourrait infléchir le cours des choses. Un chômeur vient sonner à la porte de votre villa pour vous proposer de travailler pour vous. Votre employé vous demande de comprendre qu'il doit s'occuper de sa mère malade. L'épouse de votre employé vient vous visiter, par respect, histoire de vous montrer que le salaire versé à son mari est important. Comme le veut l'usage, vous lui offrez un repas et que vous lui payez le retour en taxi. Dans un monde où le riche gagne cinquante fois le salaire du pauvre, le premier peut tout, le second est à sa merci. Ici, pour l'homme dans la misère, les règles économiques sont une abstraction. Il faut Dieu. Pour les enjeux terrestres, on attend du riche la miséricorde... et peut-être une goutte de justice.
D'abord, il y a l'environnement physique: le sol poussiéreux, orangé, la sécheresse. Il y a la végétation rare et éparse, l'occasionnel cactus, plutôt planté devant une résidence que poussant de lui-même au gré de la nature. Les maisons rectangulaires sont recouvertes de stuc blanc, craquelé par les années et sali par la poussière. Le terrain est plat. Le ciel est bleu, sans nuages. On ne peut oublier le soleil de plomb, dont on cherche à se protéger toute la journée et que l'on fuit en début d'après-midi. Le riche retourne dans sa villa, le pauvre cherche un arbre ou un auvent. L'étranger à la peau blanche a intérêt à porter un bon chapeau. C'est d'autant plus vrai pour celui, grisonnant, pour qui les cheveux se font plus rares. Les meilleurs chapeaux, ceux à larges rebords, évoqueront l'Américain aux yeux des autochtones.
Et puis, il y a l'environnement social. Ici, pour la plupart de ces gens qui sont parmi les plus pauvres de la terre, la seule sécurité est de s'en remettre à la grâce de Dieu, quel qu'il soit. Pour eux, pas d'évacuation d'urgence ou de centre antipoison. Pourtant, la mort rode. Chaque jour en circulant à Ouaga, on voit une personne gisant par terre suite à un accident de mobylette, de moto ou de vélo. La victime est étendue, immobile, ou elle bouge en grimaçant. La foule l'entoure. Certains s'avancent, en cherchant à donner des soins. Un collègue de ma femme a perdu sa soeur: morsure de serpent. Ici, pas non plus de recours pour ceux qui sont lésés dans leur droit. On évite les tribunaux. C'est un pays dont la foi profonde est souvent la seule loi. La loi de l'Afrique de l'Ouest.
Mais avant tout, il y a les regards. Oh surtout, il y a les regards. Quand vous êtes blanc et que vous vous avancez dans une ruelle qui n'est pas la vôtre, vous les sentez, fixés sur vous. Vous n'êtes JAMAIS incognito. On vous observe à la dérobée, vous l'étranger, le Nassara, celui de l'autre côté du monde. Les regards qui vous cherchent ouvertement, bien rares ceux-là, sont ceux, doux, des jeunes femmes, cherchant un monde de sécurité. Pour elles, le héro existe. Il est là, à portée de ses charmes féminins, peut-être...
Finalement, il y a l'homme, celui des western, un genre cinématographique qui n'existe plus en Occident. Le père de famille est celui qui détient l'autorité. Il est bien vu. Sa force de caractère est une qualité, son âge, un gage de respect.
Dans un monde pareil, on peut encore rêver d'un homme seul, dur, mais au coeur bon, un homme au sens moral inflexible, armé d'un six-coups ou de tout autre substitut du pouvoir, qui pourrait infléchir le cours des choses. Un chômeur vient sonner à la porte de votre villa pour vous proposer de travailler pour vous. Votre employé vous demande de comprendre qu'il doit s'occuper de sa mère malade. L'épouse de votre employé vient vous visiter, par respect, histoire de vous montrer que le salaire versé à son mari est important. Comme le veut l'usage, vous lui offrez un repas et que vous lui payez le retour en taxi. Dans un monde où le riche gagne cinquante fois le salaire du pauvre, le premier peut tout, le second est à sa merci. Ici, pour l'homme dans la misère, les règles économiques sont une abstraction. Il faut Dieu. Pour les enjeux terrestres, on attend du riche la miséricorde... et peut-être une goutte de justice.
mercredi 10 février 2010
La moustiquaire

C'est connu, la malaria se transmet par les moustiques. Aussi, depuis longtemps, on encourage les Africains à dormir sous la moustiquaire. Personnellement, je m'étais toujours dit que si j'allais en Afrique, je coucherais TOUJOURS sous la moustiquaire pour éviter les risques de contagion. En pratique, il faut savoir que ce n'est pas une expérience aussi simple qu'on pourrait le croire.
D'abord, la première adaptation consiste à arrêter de dire LE moustiquaire et de dire LA moustiquaire. En effet, si l'Africain est un linguiste, mon Africaine d'épouse, aime en plus avoir raison.
Il convient ensuite de décrire l'installation de ladite protection. La moustiquaire est en fait un tissu. (Rien à voir avec les moustiquaires métalliques des portes patio!) Elle est généralement de forme conique ou pyramidale. On la suspend au-dessus du lit. Mais voilà: on veut AUSSI que le ventilateur se trouve au-dessus du lit. On négocie donc un compromis. Une fois la moustiquaire suspendue, on introduit le bas de la moustiquaire sous le matelas (ma compagne adorée m'a expliqué que les moustiques cherchent la moindre ouverture, comme dans un film d'horreur) . Evidemment, cette étape doit être complétée une fois à l'intérieur. C'est là qu'on découvre qu'en une soirée ou une nuit, on se lève souvent! Ah comme il est bon de se moucher, boire de l'eau ou aller à la toilette... quand on en a envie! En fait, si vous avez assez d'espace, vous pouvez aménager votre cocon: boîte de kleenex, livres et autres objets utiles à portée de main. Si vous dormez en couple par contre, c'est plus difficile. A quand une moustiquaire de luxe, avec une fermeture-éclair comme dans une tente?
Les problèmes ne s'arrêtent pas là. Le ventilateur est un outil ESSENTIEL pour pouvoir dormir, nous l'avons déjà mentionné. Or, la moustiquaire atténue grandement la circulation d'air autour du dormeur. Bien sûr, on peut augmenter l'intensité du ventilateur, mais dans mon cas, le ventilateur fait un bruit étrange de vibration à haute vitesse. Alors, encore une fois, je fais ce qu'on fait en Afrique: je négocie.
Le pire problème de moustiquaire que j'ai eu jusqu'à présent était dû à mes pauvres petits pieds secs. En Afrique, je marche beaucoup et le climat au Burkina Faso est, vous l'aurez deviné, sec! Peut-être est-ce ce qui explique que mes pieds sont devenus extrêmement rugueux dernièrement. Croyez-le ou non, mes dessous de pied s'accordaient parfaitement avec la moustiquaire pour former un velcro d'excellente qualité. Ainsi, le moindre contact de mes dessous de pieds avec mon divin cocon protecteur le fixait à mes pieds, pour ensuite l'entraîner au gré de leurs mouvements et le faire ressortir de sous le matelas. L'ouverture béante ainsi créée m'exposait à une attaque, insignifiante dans l'immédiat, mais pouvant aller jusqu'à la mort, faut-il le rappeler? Il convient donc de faire entrer de la crème hydratante dans l'espace protégé (voir le 2ème paragraphe).
En conclusion, si vous prévoyez venir en Afrique, munissez-vous d'une moustiquaire de bonne dimension, que vous pourrez fixer selon votre confort et vos besoins (on en trouve facilement sur place aussi). Et si vous venez accompagné, commencez tout de suite à répéter: LA moustiquaire! LA moustiquaire! LA moustiquaire!
D'abord, la première adaptation consiste à arrêter de dire LE moustiquaire et de dire LA moustiquaire. En effet, si l'Africain est un linguiste, mon Africaine d'épouse, aime en plus avoir raison.
Il convient ensuite de décrire l'installation de ladite protection. La moustiquaire est en fait un tissu. (Rien à voir avec les moustiquaires métalliques des portes patio!) Elle est généralement de forme conique ou pyramidale. On la suspend au-dessus du lit. Mais voilà: on veut AUSSI que le ventilateur se trouve au-dessus du lit. On négocie donc un compromis. Une fois la moustiquaire suspendue, on introduit le bas de la moustiquaire sous le matelas (ma compagne adorée m'a expliqué que les moustiques cherchent la moindre ouverture, comme dans un film d'horreur) . Evidemment, cette étape doit être complétée une fois à l'intérieur. C'est là qu'on découvre qu'en une soirée ou une nuit, on se lève souvent! Ah comme il est bon de se moucher, boire de l'eau ou aller à la toilette... quand on en a envie! En fait, si vous avez assez d'espace, vous pouvez aménager votre cocon: boîte de kleenex, livres et autres objets utiles à portée de main. Si vous dormez en couple par contre, c'est plus difficile. A quand une moustiquaire de luxe, avec une fermeture-éclair comme dans une tente?
Les problèmes ne s'arrêtent pas là. Le ventilateur est un outil ESSENTIEL pour pouvoir dormir, nous l'avons déjà mentionné. Or, la moustiquaire atténue grandement la circulation d'air autour du dormeur. Bien sûr, on peut augmenter l'intensité du ventilateur, mais dans mon cas, le ventilateur fait un bruit étrange de vibration à haute vitesse. Alors, encore une fois, je fais ce qu'on fait en Afrique: je négocie.
Le pire problème de moustiquaire que j'ai eu jusqu'à présent était dû à mes pauvres petits pieds secs. En Afrique, je marche beaucoup et le climat au Burkina Faso est, vous l'aurez deviné, sec! Peut-être est-ce ce qui explique que mes pieds sont devenus extrêmement rugueux dernièrement. Croyez-le ou non, mes dessous de pied s'accordaient parfaitement avec la moustiquaire pour former un velcro d'excellente qualité. Ainsi, le moindre contact de mes dessous de pieds avec mon divin cocon protecteur le fixait à mes pieds, pour ensuite l'entraîner au gré de leurs mouvements et le faire ressortir de sous le matelas. L'ouverture béante ainsi créée m'exposait à une attaque, insignifiante dans l'immédiat, mais pouvant aller jusqu'à la mort, faut-il le rappeler? Il convient donc de faire entrer de la crème hydratante dans l'espace protégé (voir le 2ème paragraphe).
En conclusion, si vous prévoyez venir en Afrique, munissez-vous d'une moustiquaire de bonne dimension, que vous pourrez fixer selon votre confort et vos besoins (on en trouve facilement sur place aussi). Et si vous venez accompagné, commencez tout de suite à répéter: LA moustiquaire! LA moustiquaire! LA moustiquaire!
lundi 1 février 2010
Au zoo

Ce dimanche, nous avons décidé de donner suite à la proposition de notre chauffeur de taxi de confiance, et d'aller en famille visiter le zoo de Ziniare, à environ 30 km hors de la capitale. Notre chauffeur nous accompagnait lors de la visite, qui se fait à pied en compagnie d'un guide. Celui-ci est en fait un membre des forces armées.
Ce zoo présente un intérêt particulier. En effet, il reçoit moins de visiteurs que d'autres zoos, destinés au grand public, comme il est d'un accès moins facile. Les animaux paraissent donc moins blasés que lorsque des écoles entières défilent pour les faire réagir. Aussi, les grillages de sécurité correspondent à des normes disons, africaines... C'est l'observation qui en bénéficie puisqu'il n'y a pas de doubles barrières. En fait, la seule chose qui nous séparait des animaux, c'était un simple grillage de style "terrain de baseball", qu'on pouvait approcher à loisir.
Le guide nous a donc fait visiter successivement les cages des onyx, tigres, lions, hyènes, macaques, éléphants, phacochères et autres. La cage des deux hyènes a retenu particulièrement notre attention. Une des bêtes grognait en continu, le museau collé au grillage et nous suivait dans nos déplacements. Seul le grillage l'empêchait de nous découper en morceaux. L'animosité était réciproque. Une hyène, ce n'est pas très gros: comme un gros berger allemand, mais infiniment plus laid. Hannatou, mon africaine d'épouse, m'a expliqué que la hyène occupait, dans les légendes africaines, la place du loup dans les contes occidentaux. C'est l'incarnation du mal. Celle qu'on a vu n'a rien fait pour dissiper cette perception.
Une cage impressionnante fut également celle des lions. Ils étaient toute une famille, bien visibles, à à peine deux mètres de nous. C'est réellement un animal magnifique.
Cependant, de toutes nos observations ce jour-là, aucune ne fut plus émotive que celle de l'hippopotame. Nous avons eu la chance de l'observer au moment de le nourrir. L'hippo était immergé jusqu'à la tête à environ quatre mètres de nous quand le gardien a déposé de l'herbe face à nous, de l'autre côté du grillage. Quelques secondes s'écoulèrent puis la bête décida que l'heure du dîner était arrivée. D'abord, il y eut les énormes voutes d'eau que l'animal souleva. Elles suggéraient la taille de l'animal en un spectacle saisissant. L'émergence de la bête, imperturbable dans l'effort, impériale même, tenait lieu de véritable démonstration de force. Peu à peu, apparût le cuir noir, épais, luisant, suivant des formes arrondies comme celles d'une bouteille. La scène évoquait la majesté du sous-marin qui fait surface, à mi-chemin entre deux mondes. Mais voilà, sous cette machine organique, on vit apparaître peu à peu les pattes minuscules qui l'emmenaient vers la terre ferme. L'hippopotame est l'animal responsable du plus grand nombre de décès en Afrique. Aussi, lorsque je le vis s'avancer vers nous, avec une tête plus grande qu'un réfrigérateur européen et une gueule qui pourrait contenir un homme recroquevillé, je ne pouvais que penser aux hommes dont cette vision fut la dernière. Face à lui, un homme muni d'une lance aurait des airs de garçonnet avec une baguette. L'hippo aurait tôt fait de la briser d'un coup de gueule. Nous sommes restés pétrifiés devant la grille, fascinés. Le gardien dût nous tirer l'oreille pour nous amener à la cage suivante.
De retour à la maison, je consultai mon guide voyage pour en connaître un peu plus sur la faune locale. On y mentionnait des excursions sur pirogue pour aller voir le mastodonte. Non merci.
Ce zoo présente un intérêt particulier. En effet, il reçoit moins de visiteurs que d'autres zoos, destinés au grand public, comme il est d'un accès moins facile. Les animaux paraissent donc moins blasés que lorsque des écoles entières défilent pour les faire réagir. Aussi, les grillages de sécurité correspondent à des normes disons, africaines... C'est l'observation qui en bénéficie puisqu'il n'y a pas de doubles barrières. En fait, la seule chose qui nous séparait des animaux, c'était un simple grillage de style "terrain de baseball", qu'on pouvait approcher à loisir.
Le guide nous a donc fait visiter successivement les cages des onyx, tigres, lions, hyènes, macaques, éléphants, phacochères et autres. La cage des deux hyènes a retenu particulièrement notre attention. Une des bêtes grognait en continu, le museau collé au grillage et nous suivait dans nos déplacements. Seul le grillage l'empêchait de nous découper en morceaux. L'animosité était réciproque. Une hyène, ce n'est pas très gros: comme un gros berger allemand, mais infiniment plus laid. Hannatou, mon africaine d'épouse, m'a expliqué que la hyène occupait, dans les légendes africaines, la place du loup dans les contes occidentaux. C'est l'incarnation du mal. Celle qu'on a vu n'a rien fait pour dissiper cette perception.
Une cage impressionnante fut également celle des lions. Ils étaient toute une famille, bien visibles, à à peine deux mètres de nous. C'est réellement un animal magnifique.
Cependant, de toutes nos observations ce jour-là, aucune ne fut plus émotive que celle de l'hippopotame. Nous avons eu la chance de l'observer au moment de le nourrir. L'hippo était immergé jusqu'à la tête à environ quatre mètres de nous quand le gardien a déposé de l'herbe face à nous, de l'autre côté du grillage. Quelques secondes s'écoulèrent puis la bête décida que l'heure du dîner était arrivée. D'abord, il y eut les énormes voutes d'eau que l'animal souleva. Elles suggéraient la taille de l'animal en un spectacle saisissant. L'émergence de la bête, imperturbable dans l'effort, impériale même, tenait lieu de véritable démonstration de force. Peu à peu, apparût le cuir noir, épais, luisant, suivant des formes arrondies comme celles d'une bouteille. La scène évoquait la majesté du sous-marin qui fait surface, à mi-chemin entre deux mondes. Mais voilà, sous cette machine organique, on vit apparaître peu à peu les pattes minuscules qui l'emmenaient vers la terre ferme. L'hippopotame est l'animal responsable du plus grand nombre de décès en Afrique. Aussi, lorsque je le vis s'avancer vers nous, avec une tête plus grande qu'un réfrigérateur européen et une gueule qui pourrait contenir un homme recroquevillé, je ne pouvais que penser aux hommes dont cette vision fut la dernière. Face à lui, un homme muni d'une lance aurait des airs de garçonnet avec une baguette. L'hippo aurait tôt fait de la briser d'un coup de gueule. Nous sommes restés pétrifiés devant la grille, fascinés. Le gardien dût nous tirer l'oreille pour nous amener à la cage suivante.
De retour à la maison, je consultai mon guide voyage pour en connaître un peu plus sur la faune locale. On y mentionnait des excursions sur pirogue pour aller voir le mastodonte. Non merci.
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