mardi 16 février 2010

Western en Afrique de l'Ouest




J'ai amené mon lecteurt MP3 avec moi au Burkina Faso. Je dois dire qu'ici, peu de pièces de musique m'ont bouleversé autant en la réécoutant que la trame sonore du film Il était une fois dans l'Ouest. Depuis mon arrivée, la musique de l'ultime classique du western des années soixante me dresse littéralement le poil sur les avant-bras, humides de transpiration. En effet, quand on y pense bien, tout ici rappelle la toile de fond du western.

D'abord, il y a l'environnement physique: le sol poussiéreux, orangé, la sécheresse. Il y a la végétation rare et éparse, l'occasionnel cactus, plutôt planté devant une résidence que poussant de lui-même au gré de la nature. Les maisons rectangulaires sont recouvertes de stuc blanc, craquelé par les années et sali par la poussière. Le terrain est plat. Le ciel est bleu, sans nuages. On ne peut oublier le soleil de plomb, dont on cherche à se protéger toute la journée et que l'on fuit en début d'après-midi. Le riche retourne dans sa villa, le pauvre cherche un arbre ou un auvent. L'étranger à la peau blanche a intérêt à porter un bon chapeau. C'est d'autant plus vrai pour celui, grisonnant, pour qui les cheveux se font plus rares. Les meilleurs chapeaux, ceux à larges rebords, évoqueront l'Américain aux yeux des autochtones.

Et puis, il y a l'environnement social. Ici, pour la plupart de ces gens qui sont parmi les plus pauvres de la terre, la seule sécurité est de s'en remettre à la grâce de Dieu, quel qu'il soit. Pour eux, pas d'évacuation d'urgence ou de centre antipoison. Pourtant, la mort rode. Chaque jour en circulant à Ouaga, on voit une personne gisant par terre suite à un accident de mobylette, de moto ou de vélo. La victime est étendue, immobile, ou elle bouge en grimaçant. La foule l'entoure. Certains s'avancent, en cherchant à donner des soins. Un collègue de ma femme a perdu sa soeur: morsure de serpent. Ici, pas non plus de recours pour ceux qui sont lésés dans leur droit. On évite les tribunaux. C'est un pays dont la foi profonde est souvent la seule loi. La loi de l'Afrique de l'Ouest.

Mais avant tout, il y a les regards. Oh surtout, il y a les regards. Quand vous êtes blanc et que vous vous avancez dans une ruelle qui n'est pas la vôtre, vous les sentez, fixés sur vous. Vous n'êtes JAMAIS incognito. On vous observe à la dérobée, vous l'étranger, le Nassara, celui de l'autre côté du monde. Les regards qui vous cherchent ouvertement, bien rares ceux-là, sont ceux, doux, des jeunes femmes, cherchant un monde de sécurité. Pour elles, le héro existe. Il est là, à portée de ses charmes féminins, peut-être...

Finalement, il y a l'homme, celui des western, un genre cinématographique qui n'existe plus en Occident. Le père de famille est celui qui détient l'autorité. Il est bien vu. Sa force de caractère est une qualité, son âge, un gage de respect.

Dans un monde pareil, on peut encore rêver d'un homme seul, dur, mais au coeur bon, un homme au sens moral inflexible, armé d'un six-coups ou de tout autre substitut du pouvoir, qui pourrait infléchir le cours des choses. Un chômeur vient sonner à la porte de votre villa pour vous proposer de travailler pour vous. Votre employé vous demande de comprendre qu'il doit s'occuper de sa mère malade. L'épouse de votre employé vient vous visiter, par respect, histoire de vous montrer que le salaire versé à son mari est important. Comme le veut l'usage, vous lui offrez un repas et que vous lui payez le retour en taxi. Dans un monde où le riche gagne cinquante fois le salaire du pauvre, le premier peut tout, le second est à sa merci. Ici, pour l'homme dans la misère, les règles économiques sont une abstraction. Il faut Dieu. Pour les enjeux terrestres, on attend du riche la miséricorde... et peut-être une goutte de justice.

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